On parle beaucoup aujourd’hui, dans la sphère du design, de nouveaux usages pour de nouveaux modes de vie, des changements certains que l’introduction de l’informatique dans la cellule domestique commence à engendrer telle la confusion entre travail et loisir. On imagine à quoi pourrait ressembler notre futur plus ou moins proche, les objets qui en constitueront l’environnement...
On parle beaucoup aujourd’hui, dans la sphère du design, de nouveaux usages pour de nouveaux modes de vie, des changements certains que l’introduction de l’informatique dans la cellule domestique commence à engendrer telle la confusion entre travail et loisir. On imagine à quoi pourrait ressembler notre futur plus ou moins proche, les objets qui en constitueront l’environnement. Et dans ce flot d’interrogations, l’univers de l’enfance n’est que rarement convoqué. Situation paradoxale tant il est vrai que cet univers là et son iconographie se font aujourd’hui toujours plus présents dans le monde adulte. Il s’est insinué dans les maisons, via de petits objets usuels figuratifs, dont la firme Alessi fut la première à lancer la mode avec la collection “Family follows fiction”, mais aussi via le gadget- généralement japonais (Tamagochi, peluche Furby, chien Aibo…) et plus inattendu via l’informatique avec l’i-Mac aux couleurs bonbons acidulés.
Il semblerait qu’à force d’en appeler à l’enfance pour proposer des objets quasi traditionnels aux plus grands, les designers aient, pour la plupart, oublier son principal et bien réel protagoniste, l’enfant lui-même.
C’est précisément aux enfants que les designers Fillère & Dingjian ont voulu s’adresser en se confrontant au domaine du mobilier. Exemplaires témoignages de l’oubli sus mentionné, les propositions en la matière oscillent généralement entre la réplique à échelle réduite du monde adulte et le meuble jouet plus ou moins figuratif et à vocation plus ou moins pédagogique. Comment s’affranchir de ces “modèles” ?
En s’efforçant, avec vigilance, d’envisager l’enfant dans ce qu’il a de singulier. Tout en répondant à des fonctions précises, les pièces de Fillère & Dingjian font appel à l’imaginaire sans tomber dans une narration formelle littérale. Elles se situent dans une sorte d’entre-deux, signifiant des usages tant réels que fictifs. Ainsi du fauteuil à bascule à la fois jouet pour les plus jeunes, aire de jeu, de détente ou de lecture qui s’en réfère délibérément mais sans forcer le trait à l’univers de la glisse, celui du skate et du roller. Ou du bureau-cabane, espace des premiers devoirs mais aussi espace-refuge, espace-jeu, univers transformable à volonté au gré des mystérieux vagabondages de l’esprit enfantin. Quant au siège, en affirmant doublement sa fonction d’assise- fauteuil d’un côté, chaise ( de “chat-perché” ) de l’autre, il génère deux appréhensions de l’espace différentes qui devraient susciter de multiples scénarii. Enfin la structure de rangement murale, dotée de patères rétractables et de quelques accessoires, figure l’apprentissage du (dés)ordre adulte. Avec le désir non dissimulé que son apparente rigueur se transforme rapidement en un joyeux bazar quotidien. Une part de fantasme d’adulte sur l’enfant que l’on est plus, une part de réminiscence de l’enfant que l’on a été , une part de l’enfant que l’on reste : c’est de cette alchimie délicate dont découlent les objets de Fillère & Dingjian.